Ruedi Thomi
Des sommets esseulés, des cabanes typiques, de la poudreuse immaculée – la traversée à ski est la discipline reine des fans de randonnée. Quatre jours sur la Haute route des Grisons avec l’école de montagne Höhenfieber.
Paul, guide de montagne, se montre impitoyable: «Demain midi, il y aura une tempête, il va donc falloir atteindre la cabane avant. On met le réveil à 4h50 et on part à six heures moins le quart.» C’est la première soirée de notre randonnée à ski de quatre jours à travers l’Engadine avec l’école de montagne Höhenfieber. Durant l’après-midi, nous – à savoir sept collaborateurs/-trices de Transa, un rédacteur du magazine 4 Seasons et Paul, notre guide – avons tranquillement pris le téléphérique de Zuoz à Pizzet, à 2465 mètres d’altitude.
L’imposant Piz Kesch sur notre gauche, nous avons quitté l’agitation de la station de ski à la force de nos jambes pour arriver dans le paysage solitaire des montagnes des Grisons. C’est accompagnés par les rayons du soleil que nous avons rapidement atteint le premier sommet de notre excursion. Le panorama du Piz Belvair, culminant à 2821 mètres d’altitude, nous a donné un avant-goût de ce qui nous attendait les prochains jours: un monde merveilleux enseveli sous un épais manteau de neige et d’impressionnants sommets à perte de vue.
Malgré la vue à couper le souffle, personne n’avait envie de s’attarder sur le sommet – la perspective des premières godilles dans la neige immaculée était bien trop séduisante. Nous avons dévalé l’alternance de poudreuse et de névé durci par le soleil – avec plus ou moins d’élégance – jusqu’à la chamanna d’Es-cha. Tandis que Michael, le gardien de cette cabane rustique, nous sert du fromage, de la viande séchée et du vin blanc, Paul en profite pour nous expliquer sur un ton autoritaire l’emploi du temps du lendemain. Pas de doute sur qui est le «bon flic» et qui est le «mauvais flic» ici.
Outre le plaisir – il est évident que la sécurité est la priorité absolue en montagne. Même si nous ne prévoyons pas de nous attaquer aux couloirs les plus abrupts et de gravir les sommets les plus difficiles, nous sommes en haute montagne. Personne d’entre nous ne s’aventurerait à tenter la Haute route des Grisons sans guide – et avec Paul, nous nous sommes senti entre de bonnes mains dès le début. Nous avons bien conscience que la météo peut se gâter à tout instant et qu’une bonne gestion du temps est essentielle à l’organisation d’une randonnée. Aussi, après le souper, nous nous mettons docilement au lit à huit heures et demie.
Quoi qu’il en soit, si nous avions eu conscience du spectacle qui nous attendait le lendemain, il ne fait aucun doute que nous nous serions levés volontairement une demi-heure plus tôt. À la lueur de nos lampes frontales, nous enfilons nos harnais d’escalade et fixons des peaux de phoque à nos skis. Cette excursion nocturne baigne dans une atmosphère particulière – il y a de l’aventure dans l’air. Lors des premières heures de l’ascension, personne ne dit mot. La montée est modérée dans un premier temps, puis devient de plus en plus raide. Le vent est quant à lui déjà levé et souffle toujours plus fort. Le visage enfoui dans nos capuches de montagne, nous mettons silencieusement un pied devant l’autre.
Et lorsque nous atteignons une petite crête sous la Porta d’Es-cha, le soleil se lève soudainement. Les premiers rayons baignent tout le décor dans une lumière majestueuse – toute sensation de fatigue semble avoir disparu. Tinu, responsable des achats de matériel technique chez Transa et randonneur aguerri avec de nombreuses randonnées à son actif, confiera plus tard: «Ce lever de soleil magique avec la tempête qui menace était spectaculaire, je ne suis pas près de l’oublier!»
Il n’y a rien de plus énervant que de se retrouver avec des sabots sur ses peaux de phoque! Ceux-ci se forment lorsque les peaux absorbent l’humidité que le froid transforme en petits cristaux auxquels la neige reste accrochée. Aussi, farte régulièrement tes peaux de phoque, soit avec un spray, soit tout simplement avant chaque randonnée avec un petit bout de fart que tu frottes dans le sens du poil. Conseil: opte pour un fart que tu peux utiliser avec le revêtement du ski et les peaux.
Après une descente tout schuss depuis la Porta d’Es-cha, nous retournons dans l’ombre majestueuse du Piz Kesch afin de gravir la cime de son petit frère, le Kesch Pitschen. Comme un cadeau de la montagne, le vent est relativement calme sur ce sommet culminant à 2990 mètres d’altitude, ce qui nous laisse le temps de profiter du panorama. Une descente rapide sur de la poudreuse nous amène à temps à la cabane Kesch avant que la tempête ne commence à sévir pour de bon. Nous profitons des conditions météorologiques pour faire le point sur nos connaissances en matière d’avalanche. D’abord la théorie bien au chaud à l’intérieur, puis la pratique, dehors dans la tempête. En guise de récompense, nous avons droit à un gâteau aux noix des Grisons et nous découvrons pourquoi le sac à dos de Zoli est aussi énorme: il en sort de la charcuterie, du fromage et un pain aux fruits de taille généreuse. C’est l’heure du souper…
1000 mètres d’altitude nous attendent en cette troisième journée. Mais nous commençons sur du plat en traversant le Val Funtauna désert. Seuls quelques chamois nous regardent du coin de l’œil tandis que nous enfilons nos peaux de phoque pour gravir certaines avalanches de glissement et nous attaquer à la longue ascension du Scalettahorn (3068 m). Paul a bien réussi à cerner le groupe et avance à un rythme qui permet à tout le monde d’avoir suffisamment d’oxygène pour profiter de la nature majestueuse et de la solitude. Après une descente brève mais vitaminée, nous nous rendons au pied de l’abrupt Piz Grialetsch et continuons jusqu’au Fuorcla Vallorgia. De la poudreuse et 500 mètres de dénivelé négatif se tiennent entre nous et la cabane Grialetsch. Notre troupe hétéroclite est depuis longtemps devenue une équipe soudée. Côte à côte, nous nous parcourons la pente immaculée, changeons les positions et laissons aussi échapper quelques cris de joie.
Si nous avions la cabane Kesch à nous seuls la veille, la Chamanna da Grialetsch est bien remplie. Hanspeter, le gardien, est occupé à remplir la panse de ses hôtes. Peu après, Martina, responsable des achats chez Transa, aide à faire la vaisselle – en guise de remerciement, nous avons droit à une tournée de schnaps.
700 mètres de dénivelé positif, 1750 mètres de descente, trois heures de marche sans pause. À l’annonce du programme de cette dernière journée de la randonnée, nos âmes de freeriders se mettent à vibrer. Sur le flanc ouest abrupt et gelé du Piz Sarsura, nous utilisons pour la dernière fois nos piolets et nos crampons et, peu après, nous atteignons le sommet de 3132 mètres et ainsi le point culminant de notre haute route. À nos pieds, nous apercevons le glacier et le Val Sarsura recouvert d’un épais manteau de neige. Le terrain toujours plus bosselé nous donne envie de nous amuser quelque peu. Petits virages, grands virages, petits sauts – c’est avec un sentiment d’euphorie que nous dévalons les derniers mètres de descente qui n’en finissent plus. Quel bouquet final! «Alors, l’expérience était à la hauteur de mes promesses?», demande Paul alors que nous défaisons nos fixations sur la Hauptstrasse 27 à Crastatscha. Rachel rit: «Oui, mais vu comme la première nuit était courte, il fallait bien que tu te fasses pardonner!»
Vers les sommets et sur la poudreuse immaculée – la «Haute route des Grisons» t’amène sur des chemins solitaires à travers l’Engadine.
Conditions: Tu as de l’expérience en matière de randonnée à ski et de poudreuse et tu es capable de t’attaquer à des montées comme des descentes abruptes. Tu maîtrises les virages en épingle et es suffisamment en forme pour des dénivelés positifs allant jusqu’à 1200 m. Tu peux progresser à un rythme d’environ 300 mètres d’altitude par heure. Il n’est pas nécessaire d’avoir de l’expérience avec les crampons pour cette randonnée.
Programme
1ᵉʳ jour: arrivée à Zuoz et départ de la station de ski vers Piz Belvair (2821 m), descente jusqu’à la Chamanna d’Es-cha.
2ᵉ jour: direction le Kesch Pitschen (2990 m) en passant par la Porta d’Es-cha et descente jusqu’à la cabane Kesch
3ᵉ jour: vers le Scalettahorn (3068 m) en passant par des vallées isolées pour atteindre la cabane Grialetsch
4ᵉ jour: virée sur le Piz Sarsura (3132 m) et descente en Basse-Engadine avec retour à la maison l’après-midi.
Nuitée: cabanes du CAS: Chamanna d’Es-cha, cabanes Kesch et Grialetsch. Nuitée dans un lit avec duvets. Prix CHF 895.– par personne. (3 nuitées dans un lit, 3 x demi-pensions, infusion de l’excursion, bon d’achat de 10% chez Transa). 4 à 8 personnes par guide de montagne. Frais additionnels La montée avec le téléphérique jusqu’au Piz Belvair coûte environ CHF 22.–, à quoi s’ajoutent les boissons et les en-cas individuels pour 4 jours et éventuellement la location d’équipement (demande directement à Höhenfieber ou passe dans l’un de nos magasins).
(Avec la TransaCard toujours gratuit)