Randonnée en raquettes de plusieurs jours: de l'Italie au Valais

Un carabinieri interpelle Ruedi et lui montre avec insistance l’appareil photo qu’il tient dans ses mains. Bien emmitouflés, nos raquettes sur le dos, nous nous trouvons bien désemparés à la douane de la gare de Domodossola. Faute de connaissances en italien, nous ne savons pas ce que le policier veut nous dire. Nous prenons donc congé avec un regard innocent et un sourire amical. Plus tard, nous comprenons que le fonctionnaire ne voulait probablement pas que nous prenions son poste de douane en photo. Nous sommes un groupe composé de Michel, le guide de montagne, et de collaborateurs et collaboratrices de Transa qui ont entrepris une randonnée de plusieurs jours en raquettes. Ruedi documente notre excursion avec son appareil photo.

En trois jours, nous aimerions partir du plateau de l’Alpe Devero, en Italie, pour rejoindre la vallée sauvage et romantique de la Binn, dans le Valais, en passant par le col de l’Albrun. L’excursion doit nous emmener sur des terrains variés avec des nuitées prévues dans deux refuges différents. Après un long trajet en train jusqu’à Domodossola, un taxi en bus nous amène au Rifugio Castiglioni: le chalet est notre hébergement pour la première nuit. Nous pouvons donc déposer nos bagages avant la première étape. De gros flocons de neige recouvrent le paysage et le plateau de l’Alpe Devero se transforme en féérie hivernale.

Notre programme débute: tout d’abord, nous faisons des exercices de protection contre les avalanches en cas d’urgence. Ce n’est que la troisième fois que je fais une sortie raquettes et je ne suis pas encore familiarisée avec la sonde, la pelle et l’appareil DVA. Michel, le guide de montagne, nous donne un cours intensif passionnant. Il veille à ce que nous comprenions tout et à ce qu’aucune question ne reste en suspens. Loin des sentiers de raquettes balisés et marqués, c’est d’une importance vitale.

Amusement et spécialités

Nous faisons un circuit en direction de Buscagna. Raquettes aux pieds et foulées presque synchronisées, nous suivons les rives du Lago Nero, qu’entoure une épaisse couche de neige. Cette neige absorbe tous les bruits. Tout est enveloppé d’un silence plein de grâce.

De retour au chalet, l’ambiance se fait plus bruyante et une bataille de boules de neige éclate en un rien de temps. Un délicieux souper composé de spécialités locales telles que la polenta vient couronner la journée. Le Rifugio Castiglioni est une entreprise familiale. Tout le monde est incroyablement chaleureux et prend soin de nous à grand renfort de cuisine italienne et d’hospitalité.

Le lendemain matin, l’Alpe Devero est dans le brouillard. Il y a beaucoup de neige et Michel craint que l’ascension du col de l’Albrun ne soit trop dangereuse. La flexibilité est de mise. Nous préparons donc nos affaires et prévenons nos hôtes que nous passerons peut-être une nuit de plus au Rifugio.

La nature détermine les règles

Le sentier, encore plongé dans l’obscurité, longe la rive est du Lago di Devero jusqu’à l’Alpe Forno Inferiore. La zone est classée comme parc naturel. Le caractère originel qui s’en dégage me fascine. Il y a encore du brouillard. La montée se faisant maintenant plus raide, et en raison du risque d’avalanche, nous progressons maintenant individuellement à environ 15 mètres les uns des autres. J’ai l’impression d’être toute seule dans ce paysage de rêve. Contrairement au ski, les raquettes à neige sont beaucoup plus calmes. La marche en pleine conscience est une expérience presque méditative, mais je sens aussi de l’adrénaline. Pourrons-nous nous attaquer à l’itinéraire historique qui passe par le col de l’Albrun?

Après deux bonnes heures de marche, Michel arrête le groupe. Le brouillard se dissipe et nous pouvons déjà voir le col. Il nous reste encore environ 200 mètres de dénivelé. Michel prend le temps d’évaluer les dangers. Je sens la tension qui règne au sein du groupe. Nous observons comment notre guide regarde diverses applications, observe le vent et analyse la neige fraîche. Il prend à nouveau le temps de nous expliquer précisément comment il arrive à sa décision. Voici ce qu’il décide: le risque d’avalanche est trop élevé et une ascension comporte trop de risques. Le vent fort a charrié de la neige et les grosses quantités de neige soufflée qui se sont accumulées près des crêtes sont un problème. Notre sécurité passe avant tout. Après un court moment de déception, nous lui sommes reconnaissants d’avoir pris cette décision raisonnable. Comme si le soleil savait que nous avions besoin d’un peu de réconfort, il se montre enfin et nous prenons le chemin du retour au refuge.

Le matin, nous avions vu un groupe passer directement à pied sur le lac. La glace sous la neige est assez épaisse pour que nous puissions aussi passer sur le Lago de Devero cette fois-ci. Cette immense surface vide au milieu des montagnes est pour moi une expérience unique.