Torge Fahl
De nombreux quatre milles enlacent la vallée de Saas dans le Haut-Valais. Tandis que le public se rassemble à Saas-Fee, le Furggtälli devient un havre de solitude et de paix.
Nous descendons à Zermeiggern, dans le Haut-Valais, du car postal qui disparaît sans attendre sur un pont et nous abandonne à la quiétude de la vallée du Saas. Devant nous s’étend le Furggtälli avec ses versants boisés qui terminent sur le Cresta-Biwak, notre objectif de la journée.
Les épines dorées des mélèzes tombent comme des flocons et étouffent nos pas. De temps à autre, le soleil apparaît à travers les branches et révèle toute la splendeur des couleurs de l’automne – une sorte de bouquet final de la nature avant que les arbres ne se dénudent entièrement et finissent recouverts d’un épais manteau de neige. Nous ne cessons de nous arrêter, frappés par l’émerveillement que suscite en nous ce spectacle chromatique. Nous atteignons toutefois rapidement le Furggalp, baigné de lumière et entouré d’une épaisse ceinture boisée. Les vaches sont depuis longtemps redescendues dans la vallée. Seul un panneau où est écrit «Fromage des Alpes» laisse deviner ce que les randonneuses et randonneurs viennent trouver ici en été.
Aujourd’hui, en cette fin d’automne, la vallée est déserte, mais cela n’a pas toujours été le cas: le chemin qui passe par le col d’Antrona a depuis toujours été utilisé pour circuler entre l’Italie et la vallée du Saas; en atteste la découverte de pièces de monnaie datant de la Rome antique. Ce col situé à 2837 mètres d’altitude faisait figure d’artère pour l’échange de bijoux et de sel. Grâce au commerce, les vallées du Saas et de l’Antrona ont connu une croissance commune, qui s’est terminée en 1805 en raison des échanges croissants par le col du Simplon. À la fin du XIXᵉ siècle, ce col tombé dans l’oubli a été utilisé pour faire transiter de la contrebande avant que des alpinistes britanniques ne découvrent l’attrait touristique de la région.
Nous ne croisons personne aujourd’hui alors que nous laissons derrière nous les derniers arbres et continuons notre chemin. Nous commençons à apercevoir le col enneigé que nous atteignons deux heures plus tard. Un incroyable panorama du Piémont s’offre à nous. Nous sommes à environ 200 mètres d’altitude de notre objectif: le Cresta-Biwak, au pied du Latelhorn.
Le chemin du refuge passe par un éboulis important qui nécessite de bien faire attention où poser le pied. Tels deux chamois, nous grimpons et nous balançons de pierre en pierre et cherchons un chemin à travers cet enchevêtrement rocheux. Tandis que le sommet du Stellihorn chatouille déjà le soleil couchant, nous arrivons enfin au bivouac.
C’est pleins d’espoir que nous ouvrons la porte et jetons un œil à l’endroit où nous allons passer la nuit. Il s’agit d’une réduction fonctionnelle au strict minimum – lits, table et coin cuisine – mais on s’y sent comme à la maison. Puisqu’il n’y a pas d’eau courante, nous nous empressons de récolter de la neige et de la faire fondre sur le feu. Les petites fenêtres ne laissent pratiquement pas entrer la lumière, mais nous prenons nos aises à la douce lueur d’une bougie. De vieilles photos accrochées au mur témoignent des aventures aussi bien hivernales qu’estivales des personnes qui sont passées par ici. Une infusion à la main, nous feuilletons le livre du refuge et nous perdons dans l’histoire du bivouac.
Ce n’est qu’en 1997, grâce à l’engagement du CAS de Saas, que la cabane a été placée entre le col d’Antrona et le Latelhorn. Avant cela, ce petit refuge métallique se trouvait au Mischabeljoch, entre l’Alphubel et le Täschhorn. Tandis qu’il fallait une nouvelle construction à cet endroit, le consensus a vite été que la cabane pourrait encore fournir de loyaux services ailleurs. Depuis, le bivouac a été entretenu avec soin et légèrement modernisé, notamment avec la vaisselle appartenant à la belle-mère du préposé à la cabane. Aujourd’hui, le Cresta-Biwak est un point de départ de choix pour de nombreuses excursions, comme sur le Stellihorn (3436 m d’altitude) ou pour une randonnée en haute montagne le long de la «Cresta di Saas», arête frontalière avec l’Italie. Pratique pour ne pas avoir à faire un bivouac soi-même.
Après une nuit au chaud – grâce à nos sacs de couchage bien épais –, nous jetons un œil endormi à travers la petite fenêtre et apercevons le Täschhorn (4491 m d’altitude) et le Dom (4545 m d’altitude) dont les sommets qui percent le ciel gris sont baignés de lumière rose. Nous nous empressons de sortir de nos sacs de couchage afin d’entamer de ce pas l’ascension vers la crête frontalière. Tandis que nous gagnons en altitude, la neige, elle, gagne en épaisseur. Nos raquettes à neige sont une véritable bénédiction ici. Nous ne tardons pas à atteindre la crête et apercevons le soleil levant. Devant nous, une mer de nuages s’étend jusqu’à l’horizon, clairsemée de quelques sommets évoquant de petites îles sur un océan agité. Admiratifs, nous contemplons l’inversion nuageuse et nous réchauffons aux premiers rayons de soleil de la journée.
De retour au bivouac, nous rassemblons nos affaires et nous apprêtons à partir le cœur lourd. Nous avons particulièrement aimé la solitude et l’atmosphère du petit Cresta-Biwak. C’est avec une immense gratitude pour ce moment à la montagne que nous empruntons le sentier alpin du retour. Notre pas cadencé n’est interrompu que par des pauses occasionnelles afin de profiter encore quelque peu du panorama. Au bout d’à peine trois heures, nous arrivons à la remontée mécanique de Heidbodme et jetons un regard à la vallée derrière nous. Avec un peu d’imagination, on peut deviner au loin le Cresta-Biwak au pied du Latelhorn – telle une perle solitaire dans la lointaine vallée du Saas.
Aller/retour: Depuis Visp, prendre le CarPostal en effectuant un changement à Saas-Grund jusqu’à Zermeiggern, où la randonnée commence véritablement. Le retour se fait dans le sens inverse.Postauto.ch Sbb.ch
Réservation: Le bivouac est petit et dispose de 6 à 8 couchages. C’est pourquoi il est recommandé de réserver en passant par le système dédié du CAS: sac-cas.ch
Remarque: Le bivouac ne dispose pas de provisions. Il convient d’apporter sa propre nourriture. On y trouve du gaz, des bougies, des couvertures et des ustensiles de cuisine, mais il est indispensable d’avoir un sac de couchage. Il n’y a aucun accès à l’eau courante, il est donc nécessaire de prévoir des gourdes ou de faire fondre de la neige. En été notamment, cela peut être à l’origine de difficultés d’approvisionnement.
Recommandations pour la randonnée: Le circuit de la «Cresta di Saas» est la randonnée de haute montagne la plus longue et la plus spectaculaire de la vallée. Alternativement, le col de l’Antrona, le Jazzilücke ou le Stellihorn sont des destinations qui valent le détour.
(Avec la TransaCard toujours gratuit)