Un duo un peu fou: voyage en tricycle à moteur

Zwei Männer vor ihrem DDR-Dreirad draussen auf einer Kiesstrasse umgeben von einem Feld.
Franziska Dohrmann
Auteur invité, 4-Seasons
© Photos

Johannes et Franz, deux amis originaires d’Allemagne de l’Est et amateurs de moteurs à deux temps, ont roulé de Dresde jusqu’au point le plus au sud du Portugal pendant la période de corona de l’été 2020. Leur véhicule: un tricycle à moteur déglingué de l’époque de la RDA baptisé «Walli». Leur objectif: atteindre la dernière baraque à saucisses avant les Amériques.

Avant toute chose, qu’est-ce que «Walli»?
Franz: Walli est ce qu’on appelle un «Krause Duo», un véhicule pour le transport de malades qui date de la RDA et que l’on pouvait obtenir sur demande auprès de la caisse d’assurance maladie à l’époque. En vérité, une personne mutilée de guerre ne serait jamais capable de conduire un truc pareil. Nous nous demandons sérieusement comment une personne avec un handicap physique pourrait conduire cet engin sans finir dans le fossé au bout de quelques mètres.

Johannes: Nous avons déniché ce petit bolide orange dans une annonce. Il était entreposé juste à côté de chez nous. Malgré son moteur défectueux et sa boîte de vitesses capricieuse, Walli était en plutôt bon état.

Comment l’idée de voyager dans un tel véhicule vous est-elle venue?
J: L’idée est venue de Franz, comme la plupart de nos idées absurdes (rires). Il s’est pris d’affection pour cet engin et voulait voyager avec vers un spot de surf.

F: Nous avons déjà roulé en Duo lors du tournage de notre film «SIMPLY THE WORST». Nous sommes tous deux fans de cyclomoteurs et de moteurs à deux temps. On a d’abord pensé à prendre de vieilles Simsons, mais elles sont déjà connues de tout le monde. Le Duo nous a donc semblé le choix parfait.

Comment avez-vous financé votre voyage?
J: Grâce à un financement participatif et en grande partie en mettant la main à la poche. La ville de Dresde nous a aussi accordé une petite subvention, sans oublier quelques autres petits sponsors et entreprises de notre entourage.

Pourquoi spécifiquement la dernière baraque à saucisses avant les Amériques?
F: Nous sommes deux gars un peu fous et il nous fallait un objectif au moins aussi loufoque que nous. Notre but était d’atteindre le cap Saint-Vincent, la pointe la plus au sud-ouest de l’Europe. C’est là que se trouve cette baraque à saucisses. Malheureusement, elle a fini par fermer à cause du coronavirus.

  • Zwei junge Männer in einem motorisierten Dreurad, sie tragen farbige Helme.

    Port du casque obligatoire, ne serait-ce que pour amortir les chocs contre le toit chargé de planches de surf.

    Photo © Franz Müller, Johannes Kürschner
  • Motorisiertes Dreirad auf einer Strasse, diese ist auf beiden Seiten von Bäumen gesäumt.

    L’important n’est pas la destination, mais le chemin pour y parvenir. Walli ne dépasse guère les 60 km/h.

    Photo © Franz Müller, Johannes Kürschner
  • Jemand ersetzt eine Speiche von einem motorisierten Dreirad.

    Johannes a appris à faire le rayonnage des roues en autodidacte sur YouTube.

    Photo © Franz Müller, Johannes Kürschner
  • Von oben: Auslegeordnung vom draussen kochen.

    Dormir là où on débarque. Johannes et Franz ont décidé de ne pas prendre de tente.

    Photo © Franz Müller, Johannes Kürschner
  • Motorisiertes Dreirad bei Nacht, es steht am Strassenrand.
    Photo © Franz Müller, Johannes Kürschner
  • Motorisiertes Dreirad unterwegs.

    Tour de force n° 1: avec ses 50 cm3 et 3,6 CV, Walli a eu quelques sueurs froides dans les montées.

    Photo © Franz Müller, Johannes Kürschner
  • Ein junger Mann beim Klettern.

    Tour de force n° 2: l’escalade était au programme de ce voyage vers le Portugal.

    Photo © Franz Müller, Johannes Kürschner
  • Motorisiertes Dreirad mit den zwei Reisenden.
    Photo © Siegfried Michael Wagner
  • Surfende auf dem Wasser.

    Bien qu’excentriques en matière de transport, nos deux compères se fondent dans la masse dans la line up de l’Atlantique portugais.

    Photo © Franz Müller, Johannes Kürschner

Et ce n’était même pas votre voyage le plus fou, n’est-ce pas?
J: Nous avons déjà voyagé en Slovaquie en Trabi et deux fois en Sardaigne sur des cyclomoteurs Simson dans le but d’escalader l’Aguglia di Goloritzè. Deux fois, parce que lors de notre premier voyage, tout notre équipement nous a été volé à Rome, y compris nos cartes mémoire, donc tout notre reportage était tombé à l’eau.

Comment avez-vous décidé de votre itinéraire vers le Portugal?
J: Nous n’avons rien décidé du tout. Nous connaissions notre destination, mais nous n’avons pas cherché à planifier les étapes pour y arriver. L’idée était de prendre les routes de compagne les plus directes. Nous voulions éviter les autoroutes et les sections à péage autant que possible. Nous voulions aussi franchir les Pyrénées en Duo pour prouver que notre engin en était capable.

F: Nous avons traversé la Tchéquie et la Bavière en direction de la France, les Pyrénées en direction de l’Espagne, puis les plaines espagnoles jusqu’à la frontière du Portugal. Nous avons dû nous arrêter là dans un premier temps, car le passage était fermé en raison de la pandémie. Contre toute attente, nous y sommes arrivés bien plus vite que prévu. Nous avons donc longé la frontière portugaise jusqu’à la côte atlantique espagnole où nous avons pu passer la frontière. Puis nous avons parcouru toute la côte du pays pour surfer et faire de l’escalade.

Votre voyage avait-il un objectif principal?
F:  En premier lieu, nous voulions arriver en vie au cap et filmer notre périple. Nous nous fixons toujours des objectifs lors de nos voyages, par exemple l’ascension d’un sommet. Mais cette fois, il s’agissait avant toute chose de réussir à se rendre tout en bas de l’Europe avec Walli. Bien sûr, nous avions quand même en tête de faire de l’escalade et du surf.

J: Quand nous nous lançons dans un projet, tout est toujours question d’aventure, de voyage vers l’inconnu. C’est pourquoi nous avons choisi ce véhicule. Nous sommes habitués aux cyclomoteurs Simson, mais le Duo était un véritable ovni à nos yeux. C’était le défi parfait. Nous voulions prouver qu’avec un peu audace, il est possible de voyager avec n’importe quel véhicule.

Quels bagages avez-vous pu prendre dans le Duo?
J: Nous avons quelque peu réaménagé le véhicule et renforcé le toit de manière à pouvoir mettre des bagages dessus, à savoir nos planches de surf. Nous gardions toutes les pièces de rechange et neuf litres de mélange pour moteur à deux temps derrière nous. Le co-pilote gardait un gros sac à dos entre ses jambes. Nous utilisions nos sacs de couchage comme appuis-tête et nos matelas de camping comme accoudoirs. Nous avions aussi des hamacs, un GPS et du matériel de cuisine. L’équipement de tournage se trouvait derrière nos têtes. Pour finir, nous avons attaché un porte-bagages sur lequel deux sacs de vêtements étaient accrochés.

Avez-vous eu de nombreuses pannes?
F: Non, pas tant que ça. Comme Walli était complètement surchargé, nous nous attendions au pire. Tout compte fait, nos plus gros problèmes sont survenus parce que nous n’avons pas pu nous empêcher de drifter sur les pistes de terre. À cause de ça, les rayons et les moyeux ont parfois cédé.

J: Exactement, j’ai dû apprendre sur le tas comment faire un rayonnage sur YouTube et j’ai recentré les roues à l’aide de deux trépieds de caméra sur un parking. Autrement, on a régulièrement eu des problèmes de carburateur à cause des changements extrêmes d’altitude et de température ou peut-être de la mauvaise qualité de l’essence.

Quelles ont été vos plus grandes difficultés?
F: Nous avons totalement sous-estimé les Rhône-Alpes parce que l’altitude n’était pas indiquée sur nos cartes ADAC. Le Duo surchauffait et nous étions de plus en plus nerveux. La situation n’a pas été facile à gérer, nous avons eu peur que le Walli nous explose à la figure.

J: La plus grande difficulté a été de tenir la distance, aussi bien mentalement que physiquement. Rester assis 14 à 16 heures par jour dans une petite boîte, rester concentré et toujours avoir la force de garder le volant droit. Le véhicule tirait vers la gauche, il fallait constamment corriger la direction. Il suffisait de trois à cinq heures de conduite pour être au bout du rouleau. Un autre point problématique, ça a été le nombre de ronds-points en France. Et il y avait aussi des dos d’âne tous les deux mètres, je me cognais tout le temps la tête contre les planches de surf.

Johannes Kürschner (né en 1990) et Franz Müller (né en 1988) sont deux réalisateurs de films et humoristes originaires de Dresde. Ils ont tous deux étudié les technologies des médias pour le cinéma et la télévision à l’université de Mittweida et ont terminé leurs études à l’université Bauhaus de Weimar en 2019 dans le domaine des arts et de la création médiatique. Depuis 2011, ils travaillent ensemble sur des projets de films et de photographie, et créent des courts-métrages humoristiques et rocambolesques de manière autonome.

À quoi votre quotidien ressemblait-il?
J: On se levait aux premières lueurs du jour. Mais on dormait parfois plus longtemps si on avait conduit jusqu’à trois ou quatre heures du matin la veille. Puis un petit déjeuner, un thé, une boisson énergétique et c’était reparti. On conduisait pendant des heures et des heures jusqu’à la tombée de la nuit. C’était le meilleur moment pour rouler, donc on poussait souvent un peu plus loin. Après être arrivés au Portugal, on a commencé à nous la couler douce: un peu d’escalade par-ci, un peu de surf par-là, des sorties culturelles et du tourisme.

F: Le plus souvent, c’est moi qui conduisais le matin, parce qu’à 14 heures j’avais envie de faire la sieste. Hannes prenait donc la relève jusqu’à la tombée de la nuit. Puis je reprenais le volant pour quelques heures jusqu’à n’en plus pouvoir. En cours de route, nous nous ravitaillions à partir de boissons énergétiques et de provisions pratiques: nous ne voulions pas perdre la moindre seconde. Nous n’avions que quatre semaines pour arriver à destination, car je souhaitais être de retour à Dresde pour l’anniversaire de mon fils.

Quelle a été la réaction des gens que vous avez rencontrés?
F: Ils ont tous été sympathiques et curieux. Certaines personnes n’avaient aucune idée de ce qu’un Duo pouvait être, d’autres au contraire savaient de quoi il s’agissait et se réjouissaient grandement de nous voir dans un tel véhicule. En Allemagne, les gens restaient plutôt distants, en France, en revanche, les gens se tenaient sur le bord de la route, nous applaudissaient et nous félicitaient. C’était plutôt cool. Les Portugais étaient plutôt réservés, tandis que les Espagnols se montraient enthousiastes. De nombreuses personnes se demandaient si on conduisait un tuk-tuk.

J: Parfois, on a aussi eu affaire à la police, on s’est notamment fait attraper quand nous n’avions pas d’autre choix que d’emprunter l’autoroute. Mais les forces de la Guardia Civil ont été très sympas, ils étaient plus curieux qu’autre chose et voulaient faire notre connaissance. Ils n’ont jeté qu’un bref coup d’œil à nos papiers, rien de plus.

Quel est votre meilleur souvenir?
F: L’ouverture de la frontière entre l’Espagne et le Portugal. Après tout, le but de ce voyage était d’échapper à la morosité de la situation du coronavirus. Prendre la route, retrouver la liberté. Puis tu arrives au Portugal et tu te retrouves à nouveau face à des barreaux. Nous nous sommes donc d’autant plus réjouis quand nous avons enfin pu entrer dans le pays.

J: Pour moi, c’était pendant notre retour, lors de la traversée de la Tchéquie où de nombreuses personnes passionnées de moteurs à deux temps nous ont réservé un accueil grandiose sur leurs cyclomoteurs. Ils avaient suivi notre voyage sur Facebook et Instagram. C’était vraiment exaltant d’être de retour à la maison.

Qu’est-ce que vous conseilleriez à une personne qui souhaiterait voyager en Duo?
F: Ne le fais surtout pas! Si tu décides de voyager en Duo, tu peux tout aussi bien emporter ton testament dans tes bagages. C’est vraiment irresponsable de conduire un engin pareil (sourires).

Cela vaut-il aussi pour vous, ou préparez-vous déjà un prochain voyage avec Walli?
F: Nous n’avons encore rien de prévu, mais lors d’une conversation arrosée, l’idée a été évoquée d’embarquer Walli en Afrique. Après tout, il a bien réussi à nous emmener au Portugal, qu’est-ce qui l’empêcherait de pousser un peu plus loin?

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