Un voyage sans avion jusqu’en Indonésie – deux voyageurs racontent

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Philipp
Rédacteur, 4-Seasons
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Depuis l’été 2023, Kyra et Flurin voyagent en direction de l’Indonésie par voie terrestre et navale. Loin des itinéraires touristiques classiques, ils ont trouvé principalement une chose: de nouvelles perspectives sur le monde, sur les humains et sur leur propre vie.

Kyra et Flurin, selon vous, quelle est la différence entre vacances et voyage?
Flurin _ Les vacances sont avant tout faites pour se reposer. On se fait plaisir, on fait une pause dans son quotidien. Un voyage dure généralement plus longtemps et devient donc lui-même le quotidien, même s’il est différent de celui que l’on peut avoir à la maison. Nous disposons d’un budget journalier minime et nos déplacements sont donc loin de se faire dans le luxe. Ce qui va de soi en Suisse devient soudain un défi. Chaque jour, nous devons subvenir à nos besoins fondamentaux: où allons-nous dormir, comment allons-nous manger et boire, comment allons-nous passer d’un point A à un point B?

Kyra _ Les voyages t’amènent parfois à tes limites. En revanche, ils permettent de prendre du temps pour découvrir les pays et leurs habitants. Tu dois accepter de mener une vie complètement différente. Cela élargit ton horizon, bouleverse certains points de vue et finit par faire de toi une autre personne, que tu le veuilles ou non.

Cela nécessite-t-il donc un peu de courage d’entreprendre un voyage dont l’issue est incertaine?
F _ Il faut être prêt à sortir de sa zone de confort et à s’écarter des sentiers battus. Nous sommes tous deux extrêmement curieux et voulons nous faire nous-mêmes une idée du monde: voir, sentir, toucher, goûter les pays que nous visitons et entrer en contact avec les gens. Bien sûr, il y a toujours mille raisons qui t’en empêchent: le travail, le logement, les amis, la famille… Mais nous ne voulions pas que, dans 50 ans, nous nous retrouvions à nous demander: «Que se serait-il passé si…?»

Flurin (26 ans) et Kyra (25 ans)

Après avoir obtenu un bachelor en Musique et mouvement (Kyra) et en Géographie (Flurin), le couple est parti de Lucerne pour découvrir le monde de leurs propres yeux. Tu trouveras les dernières nouvelles de leur voyage sur Instagram: @fluringiebel

Vous renoncez à l’avion et prenez plutôt le train, le bus, le tuk-tuk, le bateau ou faites de l’auto-stop. Pourquoi?
K _ Par idéalisme et par honte de prendre l’avion! (rires) Plus sérieusement, la première pensée était effectivement écologique. Aujourd’hui, vivre le changement des cultures et des personnes d’un pays à l’autre est beaucoup plus important pour nous. La lenteur du voyage nous permet de nous plonger plus profondément dans notre environnement et de mieux appréhender les choses. En allant moins vite, cela nous permet également de mieux ressentir les distances et de prendre conscience de la taille de notre planète. Mais nous laissons toujours la porte ouverte. Quand il n’y a pas d’autre solution, nous prenons l’avion. En Inde, nous avons été malades en permanence pendant plus d’un mois et demi, nous avons notamment séjourné à l’hôpital, et nous n’arrivions tout simplement pas à nous remettre sur pied. Physiquement et mentalement, nous avions besoin en urgence de partir de l’endroit où nous étions. En raison de la guerre civile au Myanmar, nous n’avons pas pu avancer par voie terrestre et il n’y avait pas non plus de liaison maritime avec l’Asie du Sud-Est. Après de longues tergiversations, nous avons pris l’avion pour la Thaïlande. En regardant par le hublot, notre cœur saignait parce que nous savions que nous étions en train de passer au-dessus de beaucoup d’endroits et de gens géniaux.

En tant que «privilégiés» d’Europe occidentale, pouvez-vous parler d’égal à égal aux personnes que vous rencontrez pendant votre voyage?
F _ Cela dépend énormément du pays, du lieu, de la situation et de l’interlocuteur. Moins une région est touristique, plus vite nous pouvons nous plonger dans la vraie vie des habitants. Sur le chemin de l’île d’Ormuz, dans le golfe Persique, nous avons rencontré une famille iranienne qui s’y rendait pour un mariage. Ils nous ont invités à passer quelques jours ensemble sur l’île. Dans le tuk-tuk, le vent chaud nous soufflait sur le nez et nous écoutions de la musique iranienne à plein volume dans des enceintes de mauvaise qualité. Nous avons chanté et applaudi avec enthousiasme, bien que nous ne comprenions évidemment pas un mot. Voilà comment nous avons toujours rêvé de voyager. Nous nous sommes sentis libres et bien accueillis, nous pouvions tout simplement lâcher prise… un sentiment incroyable!

K _ Flurin a même été nommé photographe de mariage par les locaux. Difficile de faire plus intime. Le lendemain, un habitant de l’île, Mohammed, nous a expliqué en cinq minutes chrono comment conduire une moto à boîte manuelle. Elle n’avait ni frein à main, ni compteur de vitesse, ni casque, ni équipement de protection. Nous nous sommes sentis très loin du conformisme suisse.

Comment vous faites-vous comprendre?
K _ Si l’anglais ne suffit pas, nous nous aidons de Google Translate ou du langage des signes. Aucune rencontre n’a vraiment échoué à cause de la barrière de la langue.

Sacs à dos de voyage

Vous êtes aussi confrontés à la pauvreté, à la misère ou au travail des enfants. Comment gérez-vous ces aspects?
F _ Voir les conditions dans lesquelles vivent de nombreuses personnes, en particulier les enfants, est difficile. Nous parcourons le monde en sachant que nous pouvons revenir à tout moment en Suisse où nous sommes bien protégés. Néanmoins, nous croyons qu’il est important de ne pas fermer les yeux sur les problèmes du monde, même s’il nous arrive parfois d’occulter des choses ou des destins au cours de notre voyage pour ne pas perdre notre courage et notre confiance.

K _ Quand nous le pouvons, nous mettons bien sûr la main à la pâte. En Arménie, nous avons notamment aidé à nourrir des réfugiés du Haut-Karabakh dans le cadre de l’organisation «World Central Kitchen». Et en ce qui concerne la pauvreté, ceux qui ont le moins donnent souvent le plus et sont extrêmement généreux. Même s’ils savent que nous sommes plus privilégiés dans de nombreux domaines. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres de ce que l’Occident, cette région si riche, a encore à apprendre des autres cultures.

Avez-vous déjà vécu des situations délicates?
F _ Une fois, en Géorgie, des ivrognes nous ont agressés verbalement. Mais cela peut aussi t’arriver en Suisse. Pour passer de l’Iran au Pakistan, nous ne pouvions traverser la province du Baloutchistan qu’avec une escorte policière. Passer trois jours entourés d’armes lourdes, c’est un sentiment étrange. Sinon, nous essayons de minimiser les risques en nous préparant bien, en nous renseignant sur l’actualité et en échangeant avec les autres voyageurs.

Comment décidez-vous du déroulement de votre voyage?
K _ Au cours des premières semaines, nous avons beaucoup planifié, parcouru de nombreux sites touristiques et ne voulions rien manquer. Mais nous avons vite compris que nous ne pouvions pas tout voir et que rien ne nous y obligeait. Au début, il était difficile de ne parfois rien faire et de ressentir de l’ennui. Nous n’y sommes plus habitués dans notre société où tout doit aller vite et tout est question de performance. Mais en voyageant de la sorte, nous voulions justement ralentir un peu et prendre notre temps. Aujourd’hui, nous prenons beaucoup de temps pour rencontrer les habitants des endroits que nous visitons. Cela donne lieu à d’incroyables discussions, souvent aussi à des amitiés.

F _ Si un lieu nous plaît, nous restons aussi longtemps que nous le voulons. La seule chose qui nous limite, c’est la durée du visa.

  • Strassenszene in Lahore, Pakistan: Ein Mann liest eine Zeitung.

    Scène de rue à Lahore, Pakistan.

    Photo © Flurin Giebel
  • Eine Landkarte, darauf ist ein Weg eingezeichnet - von der Schweiz bis nach Thailand.

    L'itinéraire de Kyra et Flurin.

  • Aussicht aus einem Bus in Pakistan auf das Gebirge.

    En route dans les hautes montagnes pakistanaises.

    Photo © Flurin Giebel
  • Eine Ziege frisst ein Stück Fladenbrot.

    Plus les oreilles sont longues, plus la chèvre est précieuse. Lahore, Pakistan.

    Photo © Flurin Giebel
  • Ein Mann geht auf Stelzen über ein Feld.

    Exercice: Lorsque les rizières de Mae Hong Son, dans le nord de la Thaïlande, sont inondées, les habitants se déplacent avec des échasses.

    Photo © Flurin Giebel

24h/24 et 7j/7 ensemble: n’en avez-vous pas assez de vous voir parfois?
K _ Les expériences que nous avons vécues ensemble nous ont encore plus soudés. Notre communication est très bonne, ce qui nous permet généralement d’éviter d’avoir de gros conflits. En fait, nous ne nous prenons la tête que lorsque l’estomac se met à grogner: plus la faim est grande, plus notre humeur est mauvaise!

Et comment cela se passe-t-il quand vous devez passer des heures ou des jours dans des bus ou des trains bondés?
F _ Nous, les Suisses, sommes fiers à juste titre de nos transports publics. Mais jusqu’à présent, les moyens de transport – en particulier sur les longues distances – ont été bien meilleurs que ce que l’on pourrait penser. Au Pakistan, nous avons voyagé dans un bus luxueux équipé de fauteuils de massage. Nous sommes grands et nous y avons trouvé beaucoup plus de confort et d’espace pour les jambes que dans la plupart des bus en Suisse. Ce qui est parfois plus énervant, c’est de réussir à trouver le bon billet à temps...

Kyra, en tant que femme blanche, as-tu hésité à voyager à travers l’Iran et le Pakistan?
K _ Je n’aurais pas osé faire ça toute seule. Bien sûr, je me suis adaptée aux règles vestimentaires et comportementales des pays musulmans. Le fait que des personnes très croyantes ne m’aient parlé que par l’intermédiaire de Flurin ou ne m’aient pas serré la main fait tout simplement partie du jeu. Mais tout le monde m’a traité avec beaucoup de respect.

F _ Les médias dressent une image biaisée, souvent négative, de ces pays. Si nous ne nous étions fiés qu’à cela, nous ne serions jamais allés en Iran ou au Pakistan, et nous aurions manqué nos plus belles rencontres avec des gens merveilleux. La plupart du temps, c’est seulement le gouvernement qui donne mauvaise réputation à un pays, pas les gens qui n’ont d’autre choix que d’y vivre.

Équipement pour les voyages

Comment avez-vous perçu l’ambiance politique ou sociale dans les différents pays?
K _ En Arménie, nous avons ressenti que la situation dans le sud était précaire. En Iran, la révolution a été très perceptible. Nous avions le sentiment que les jeunes étaient comme nous et qu’une grande partie de la population n’était pas du côté du gouvernement. Les gens aiment leur pays, mais beaucoup veulent partir parce qu’il n’y a pas de perspectives pour eux.

F _ Tous ceux à qui nous avons parlé étaient contre la guerre au Moyen-Orient. Il est regrettable qu’en Europe, beaucoup associent immédiatement l’islam au terrorisme et à la violence.

Quelle a été la conclusion de votre voyage jusqu’à présent?
K _ Que les gens du monde entier ont les mêmes désirs, les mêmes espoirs et les mêmes craintes. Mais en vivant dans des conditions très inégales. Nous avons rencontré tellement de gens qui mènent une vie extrêmement difficile, mais qui sont heureux et qui font preuve d’ouverture envers les inconnus. Dans les montagnes du Pakistan, nous avons dit à un local que nous nous intéressions à la musique traditionnelle. Le soir même, il a invité un groupe de musiciens, il a préparé un feu de camp et nous avons vécu une soirée inoubliable. Quand tu vois ça, tu te sens un peu bête avec tes petits problèmes.

F _ Il y a beaucoup plus de choses qui nous unissent que de choses qui nous séparent. Dans la vieille ville de Chiang Mai, nous avons assisté à la plus grande bataille d’eau du monde. Le festival de Songkran nous a rappelé le carnaval. Sauf qu’au lieu de confettis et de bonbons, on se jette de l’eau. Nous avons passé neuf heures au milieu de l’événement, trempés jusqu’aux os, en harmonie avec les milliers de personnes qui nous entouraient.

Ça fait presque un an que vous voyagez. N’avez-vous pas le mal du pays?
F _ Tant que nos économies sont suffisantes, nous continuons à voyager. Au moins jusqu’en Indonésie, puis on verra ce que l’on fait à partir de là. Bien sûr, nos familles et nos amis nous manquent. Mais c’est aussi agréable de savoir ce à quoi nous appartenons et de comprendre ce que nous avons de précieux chez nous.

K _ Par exemple, boire de l’eau directement du robinet: le luxe à l’état pur!

  • #Voyage longue distance

  • #Backpacking

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