Sebastian Stiphout
Une excursion en bikepacking dans l’Atlas au Maroc constituerait-elle la parfaite escapade hivernale? Le photographe Sebastian Stiphout et son fils Luca sont allés vérifier par eux-mêmes. Ils nous racontent leur expérience ici et expliquent l’itinéraire exact qu’ils ont choisi.
Nous nous tenions là tous les deux, un peu perplexes et presque nus. Serrés comme des sardines dans une salle obscure à la chaleur étouffante. La vapeur était si épaisse que l’on ne pouvait guère distinguer sa propre main lorsqu’on la plaçait devant ses yeux. Une Marocaine bien en chair et de petite taille est entrée et, d’un signe de la main, m’a fait comprendre: «Retire ton peignoir!» Luca avait insisté pour garder son boxer. Quant à moi, sans me douter de rien, je m’étais dit: «Il va être trempé, il vaut mieux que je l’enlève tout de suite». Un peu gêné, je me suis retourné et j’ai retiré mon peignoir. Derrière moi, une exclamation soudaine s’est fait entendre: «No, no, no!» Luca m’a adressé un regard choqué et honteux. À la vue de mon arrière-train tout blanc, la pauvre femme s’est enfuie de la salle. Puis la porte s’est entrouverte et une main nous a glissé deux slips. Nous les avons enfilés et le rituel du hammam a alors pu commencer: avec un gant semblable à du papier de verre, nous avons été enduits d’une pâte savonneuse brune et collante, frottés, puis rincés à l’eau chaude. C’était la première partie. Heureusement, elle a été suivie d’un massage bien mérité que nous attendions avec impatience. Près de 500 kilomètres et 7000 mètres de dénivelé positif répartis sur six jours fantastiques nous ont conduits de nouveau ici par des pistes poussiéreuses, des passages de cols et des panoramas grandioses. Nous étions de retour à la médina (vieille ville) au cœur de Marrakech, à partir de laquelle nous avions pris le départ quelques jours plus tôt.
Du soleil, des paysages arides, des routes désertes, de l’aventure: voilà les ingrédients que mon fils Luca, 15 ans, et moi avions cherchés pour notre voyage d’hiver ensemble. Nous voulions sortir de la routine, échapper au froid et nous lancer dans une aventure sur deux roues. J’ai beaucoup de chance, car mon fils aime le vélo autant que moi. L’année dernière, nous avons passé dix jours ensemble à parcourir la côte ouest sauvage de l’Écosse, également à vélo, avec une approche très minimaliste. Quand Luca a eu onze ans, je l’ai déscolarisé pendant six mois et nous sommes partis pour un tour du monde. Avec deux sacs à dos, un appareil photo et des manuels scolaires dans nos bagages. Il y a deux ans, nous avons commencé à faire du vélo de course et peu de temps plus tard, nous avons découvert le bikepacking. La plupart du temps en gravel: ce sont des vélos qui, en général, sont équipés d’un guidon de vélo de course, de pneus épais et d’un gros braquet. L’idée était d’être aussi minimaliste que possible: plus léger on est, plus on peut se déplacer rapidement.
Tout ce dont nous avions besoin pour notre voyage à vélo au Maroc – une tente, des sacs de couchage, du matériel de cuisine et des vêtements –, nous l’avions rangé dans plusieurs sacs sur nos vélos. Je portais sur le dos un lourd sac à dos photo. Nos vélos – bagages et un litre d’eau compris – pesaient autour des 16 kilogrammes. Nous n’avions jamais voyagé aussi léger. Mais cela signifiait aussi que nous avions dû faire certains compromis. Par exemple, nous n’avions pris que nos chaussures de vélo, nous n’avions pas suffisamment de place pour une autre paire. Quant aux vêtements, nous avons opté pour la technique de l’oignon: nous avions chacun deux pantalons de vélo, deux t-shirts à manches courtes, deux vestes légères à manches longues et une veste de vélo à doublure. Pour les jours les plus froids, nous avions aussi prévu des vestes GORE-TEX®, ainsi que quelques jambières et un pantalon GORE-TEX® coupe-vent.
Le bikepacking est l’idéal pour voyager à travers un pays: on voit plein de choses, on peut couvrir des distances respectables et on y trouve son compte sur le plan sportif également. On est aussi complètement autonome si on s’équipe de manière minimaliste.
Après la première nuit à Marrakech, nous avons enfin pris le départ: j’avais certes établi un itinéraire approximatif, mais nous voulions rester flexibles et pouvoir changer nos plans à tout moment. Lors de nos préparatifs, Marrakech, située au pied des montagnes de l’Atlas, m’avait semblé être le meilleur point de départ pour ce voyage. L’idée était de traverser les montagnes vers le sud à partir de là . Nous voulions emprunter des routes peu fréquentées et visiter quelques sites culturels comme Télouet et Aït-ben-Haddou, qui étaient des pôles commerciaux importants à l’époque des caravanes entre la légendaire ville de Tombouctou au Mali et le Sahara. De là , nous voulions continuer vers le désert, pour ensuite nous diriger vers le nord-est de l’autre côté de l’Atlas, rester aux abords du massif et boucler la boucle en revenant à Marrakech. L’itinéraire nous mènerait à travers le col du Ouano, la plus haute route praticable de l’Atlas avec ses 2910 mètres, et à travers un canyon pour le moins impressionnant, les gorges du Dadès.
Le premier jour, après avoir quitté la médina, nous avons abordé les premières pentes sans grande difficulté. C’est le deuxième jour que le Maroc nous a révélé son plus grand défi, à savoir une montée éreintante d’une inclinaison constante de 13 pour cent! Luca et moi n’en finissions pas de jurer tout en poursuivant notre ascension sur la plus petite vitesse de nos vélos. Même si cette journée a été épuisante, le paysage n’en demeurait pas moins impressionnant: nous étions cernés par les sommets enneigés de l’Atlas et roulions sur des routes complètement désertes et clairsemées de petits villages endormis ici et là qui, malgré leur taille modeste, disposaient chaque fois d’un petit minaret. Cette galère a été suivie d’une descente rapide aux nombreux virages. À midi, un généreux tajine d’agneau (un plat traditionnel marocain) nous a donné suffisamment de forces pour attaquer le premier grand passage de col: le Tizi n’Tichka à 2260 mètres d’altitude. 30 kilomètres de montée nous attendaient sur l’axe routier principal de l’Atlas. Ce jour-là , notre objectif était d’atteindre Télouet, un village abritant un monument emblématique: la kasbah de Télouet. Cette forteresse surplombe les alentours au milieu d’un plateau grandiose.
Télouet était autrefois l’un des principaux pôles commerciaux sur la route des caravanes et le siège de l’une des familles berbères les plus influentes et les plus riches du pays. Malheureusement, le bâtiment a été laissé à l’abandon, mais une organisation locale a réussi à sauver le réfectoire et le harem de la ruine. J’ai dû persuader mon ado de bien vouloir m’accompagner dans la visite de la ruine. Il aurait préféré repartir tout de suite, mais s’est ensuite réjoui de cette parenthèse culturelle: le bâtiment, bien que délabré, était extrêmement impressionnant. Surtout le harem, dans lequel chaque centimètre carré de mur et de plafond était recouvert de mosaïques somptueuses.
Notre étape du jour a été le deuxième temps fort de notre épopée: près de 80 kilomètres de pistes abandonnées aux multiples virages. Nous n’avons croisé presque aucune voiture et les paysages étaient au rendez-vous. Rien que de la terre rouge, du ciel bleu et de temps à autre, des hameaux aux allures médiévales, rouges et beiges, assorties aux couleurs du paysage.
Dès lors que nous quittions les axes routiers principaux, les routes se désertifiaient. Elles étaient parfois goudronnées, parfois couvertes de sable: l’idéal quand on voyage à vélo. Nous avions parfaitement sélectionné les étapes, la plupart du temps entre 70 et 130 kilomètres, pour chaque journée. Même si le dénivelé était parfois difficile certains jours, nous compensions par des parcours plus plats et faciles le reste du temps. De manière générale, voyager au Maroc est agréable, il suffit d’avoir quelques bases de français pour se faire comprendre presque partout. Les locaux sont d’une grande gentillesse et très accueillants. Fait surprenant: bien que nous n’ayons pas rencontré d’autres cyclistes, les locaux n’étaient pas particulièrement intrigués par la présence de deux énergumènes en tenue moulante sur des vélos.
Le sixième jour, après avoir parcouru près de 500 kilomètres, une mésaventure nous est tombée dessus: Luca a mangé quelque chose qui était sans doute périmé et a été pris de terribles crampes d’estomac. Nous avons également souffert du froid extrême, surtout en début de journée. Les longues et difficiles heures sur la selle ont fini de nous achever. La seconde traversée de l’Atlas était au programme ce jour-là . Heureux de notre expérience et de ce que nous avions accompli, c’est le cœur lourd que nous avons pris la décision de mettre un terme à notre voyage et de revenir à Marrakech dans un taxi vétuste. Avant notre départ, on nous avait justement raconté qu’on pouvait y trouver d’excellents hammams...
Directement vers l’excursion.Facile d’accès, sûr et au climat doux en basse saison, le Maroc offre les conditions parfaites pour un tour de bikepacking.
Meilleure période pour un voyage à vélo dans l’Atlas: de novembre à avril
Haute saison: de juin à septembre
Hébergements: à Marrakech, dans les riads typiques du pays (des petits hôtels avec des cours intérieures ouvertes et des terrasses de toit), à partir de CHF 35.– par personne. Pendant le trajet: dans des auberges, que l’on trouve dans chaque village et que l’on peut généralement réserver facilement en ligne, à partir de CHF 15.– par personne. Bien qu’il n’y ait pratiquement pas de sites de camping désignés au Maroc, il est possible de faire du camping sauvage, à condition de trouver un endroit suffisamment éloigné des habitations ou de demander la permission au propriétaire du terrain.
Itinéraire initialement prévu: 697 km, 11 000 m de D+
Jour 1: Marrakech – Tighedouine
Jour 2: Tighedouine – Télouet
Jour 3: Télouet – Ouarzazate
Jour 4: Ouarzazate – Aït Ben Ali
Jour 5: Aït Ben Ali – M’semrir
Jour 6: M’semrir – Agoudal
Jour 7: Agoudal – Anergui
Jour 8: Anergui – Béni Mellal
(Avec la TransaCard toujours gratuit)